Cette fois, attendez-vous à un GROS morceau. En effet, dans cette quatrième partie de notre dossier spécial, nous allons tâcher d’exprimer pourquoi l’œuvre de C.S. Pacat nous a rendu accro. (Sans spoilers, of course.)
Nous terminions le dernier billet de ce dossier en admettant volontiers que son pitch ne réinventait pas la roue. Mais c’est cette appréhension que nous avons tous ressentie en premier lieu qui fait que les surprises sont encore plus grandes.
La première est évidente dès les premières lignes car l’écriture de Miss Pacat est ciselée, fluide et terriblement efficace, sans être ronflante. Vous connaissez tous ce sentiment ; celui qui nous fait réaliser en pleine lecture qu’on a affaire à un texte bien écrit. Bien que ce ne soit pas forcément ce qu’on recherche en Fantasy, il est toujours agréable de trouver une belle plume. (Et profitons-en pour saluer le travail de Louise Lafon, qui a parfaitement traduit le livre dans notre langue.)
Cette efficacité stylistique nous amène directement à la seconde qualité de l’ouvrage, qui est aussi la plus grande : la relation entre Damen et Laurent. Alors que le premier a un tempérament de feu, le second apparaît comme l’avatar de la glace, ce qui suffirait amplement pour mettre en place une situation catastrophique. D’ailleurs, le destin et leurs lignées respectives font naturellement d’eux des ennemis jurés… ce qu’ignore Laurent, mais que son prisonnier ne réalise que trop bien. Pour peu qu’on ait un certain bagage littéraire, on voit se tracer le schéma classique d’un rapprochement d’abord timide, puis d’un happy end convenu. Mais Cat est bien plus douée et audacieuse que ça.
Le premier tome, L’Esclave, est presque un huis clos. Rares sont les fois où Damen pose le pied en dehors du palais royal. On ne ressent que trop bien sa captivité et la torture psychologique qui lui est infligée. C’est un exercice de style audacieux en Fantasy (mais ce bouquin n’est pas que ça), et l’auteure s’en sort avec brio, d’autant qu’elle distille d’une façon honteusement naturelle une somme de détails qui, malgré le cloisonnement de Damen, construisent pierre par pierre un riche univers.
Le prisonnier accepte donc son sort, temporairement du moins, et son rôle dans la partie d’échecs qui s’engage. Et il passe le plus clair de son temps à détester Laurent, qui est la somme de tout ce qui le révulse dans ce pays qu’il juge décadent, non sans admettre que ce satané bonhomme a une classe folle.
Des sentiments que vous partagerez évidemment. Puis vous percevrez quelque chose d’autre et, avant même que vous vous en soyez rendu compte, vous aurez attaqué le tome 2. Parce que, quand même, vous vouliez savoir. (Ce n’est pas sans raison qu’on publie les deux volets d’un coup.) Inutile de lutter, il est déjà trop tard !
Dans Le Guerrier, tout s’accélère. Le titre de cet opus est suffisamment évocateur et, bien qu’il s’agisse d’une suite directe, c’est un autre type d’ouvrage qui est proposé au lecteur : une épopée. Tous les indices parsemés dans L’Esclave s’emboîtent et le monde se révèle aussi passionnant que ce qu’on pouvait imaginer lorsque nous étions reclus dans le palais royal de Vère. À ce stade du récit, on sait déjà que Pacat est une excellente auteure, mais on découvre qu’elle est aussi une excellente auteure de Fantasy épique. De l’action, de l’espionnage, et du frisson ; la recette est méticuleusement suivie.
C’est aussi dans ce tome 2 que la relation entre Damen et Laurent prend un nouveau tour. On ne va évidemment pas en dire plus pour ne pas vous gâcher l’intrigue, mais pensez à tous les superlatifs dont on a usé jusqu’à présent. Et doublez-les.
Au final, Prince captif est une histoire à mi-chemin entre Les Livres des rai-kirah de Carol Berg (une auteure tout à fait sous-estimée, soit dit en passant… on proposera un autre de ses romans en 2016) pour le cadre antique, rappelant les empires romain et byzantin, et l’œuvre de Jacqueline Carey.
Vous l’avez compris, sans être omniprésent, l’aspect érotique de cette trilogie est important. La comparaison avec les cycles de Kushiel et d’Imriel est d’autant plus pertinente que, ici aussi, la chair a un rôle politique. Le sexe qui y est dépeint peut être dérangeant (il est question d’esclaves de plaisir, après tout) mais jamais gratuit ou vulgaire. Quand on vous disait que ce n’était pas pour tout public !
Du coup, on se dit que cette série conviendra aussi bien aux amateurs de Fantasy bragelonnienne qu’aux lecteurs des différentes collections de Milady : Imaginaire, Romance ou Romantica.
Et le fait qu’on ait parlé de lecteurs au sens neutre du terme et non de lectrices est tout à fait voulu. Pas besoin d’être une fille pour lire du slash. (Votre serviteur en est le premier surpris.) D’autant que ce serait, là encore, très bête de réduire ce texte à cette étiquette. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on promeut Prince captif sur tous les réseaux sociaux, comme vous l’aurez peut-être remarqué. (Excepté ceux de Castelmore, pour toutes les raisons évidentes.)
Les deux premiers tomes de la trilogie sortent donc ce vendredi en librairie. Mais notre marathon continue, lui. Puisque vous aurez commencé (et peut-être même terminé) votre lecture d’ici-là, on parlera de l’avenir de la saga…
Bonne lecture !
- Introduction
- Partie 1 : Qui est C.S. Pacat ?
- Partie 2 : L’histoire
- Partie 4 : Le phénomène en marche… et la suite
- Partie 5 : Interview de l’auteure